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interview – Gilles Malatray (FR)

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1-Pouvez vous vous présenter en tant qu’artiste, votre démarche et votre parcours artistique de façon générale?

Horticulteur-paysagiste et musicien de formation, j’ai opté pour réunir ces deux pratiques milieu des années 80, en travaillant autour du paysage sonore. Cela m’est apparu comme une jonction évidente, une hybridation judicieuse, que je n’ai plus lâché dés lors.
Depuis, je promène mes oreilles, et celles de promeneurs écoutants un peu partout, en Europe, en Afrique, au Canada, de villes en campagnes, au cours de PAS- Parcours Audio Sensibles, qui sont en fait des soundwalks (balades sonores) façon Desartsonnants. Le statut du paysage via les oreilles me questionne, au même titre que je le questionne, entre des postures esthétiques, artistiques, écologiques et sociales.
Je cherche sans cesse à retrouver la, ou plutôt les musiques des lieux.
Promener son écoute dans l’espace public, y installer de façon éphémère moult sonorités qui viennent s’y frotter, décaler l’écoute pour mieux la reposer ensuite sur des paysages sonores partagés, sont pour moi des objectifs au quotidien.
Le field recording et la création sonore, radiophonique, sont des moyens d’étendre l’écoute hors-les-murs, de réécrire des paysages, entre sons et mots, en narrations démultipliées.
La recherche d’objets d’écoute, longue-ouïes permettant de viser, d’amplifier, de colorer les sons viennent apporter une approche ludique et introspective; aller à la chasse aux micro sonorités, les traquer dans leur quotidien…
La construction de ces auricularités in situ passent aussi par une série de rencontres, conférences et workshops avec des écoles supérieures d’arts, de design, d’architecture, d’urbanisme…
Enfin, l’inauguration de Points d’ouïe, discours et présences d’élus à l’appui, avec géolocalisation et inscription à un inventaire, posent la question de la valorisation et de la préservation d’espace acoustiques sensibles, remarquables, et surtout eminament fragiles.
Au delà du geste d’écoute, celui de partager, de chercher sans cesse une approche contextuelle, relationnelle, est pour moi des plus important dans une relation humaine pétrie d’écoute respectueuse.

2-Pouvez vous nous parler du projet que vous présentez à Electropixel?
Comment êtes vous arrivés à créer un tel travail? Le processus, les étapes de création, les influences, les échecs et ouvertures expérimentations.

Les soundwalks, ou PAS – Parcours Audio Sensibles présentés à Electropixel sont le fruit de 30 ans de parcours sonores expérimentés, à marcher, écouter, au rythme de ses pas, en résistant à la vitesse et au zapping permanent, à former une communauté d’écoutants temporelle, éphémère… Tels sont quelques buts à partager. Il faudra pour cela redécouvrir des parcelles de ville, en groupe, toutes oreilles ouvertes et curieuses, sans a priori, entre parcours repérés et improvisations liées aux sonorités du moment, aux micro événements, aux rencontres, à l’humeur et aux caprices du guide aussi…Après une première série de balades il y a quelques années, sur ce même festival, Desartsonnants aka Glles Malatray est heureux de venir reposer pieds et oreilles sur le sol Nantais, la musique des lieux étant inépuisables et au final toujours surprenante, sérendipité à l’appui.
Partir en promenade d’écoute, c’est s’exposer à tout, du banal au surprenant, du presque rien à la tonitruance, du balisé à l’erratique, les choses étant ce qu’est le son. A bon écouteur, salut !


3-Que signifie pour vous le Powerhack? En quoi ce sujet est en lien
avec votre approche artistique?

La puissance de l’écoute est une sorte de pouvoir donné à tout le monde, parfois pour le meilleur et pour le pire. Nous tenterons ici de n’en garder que le meilleur. Mon approche détourne souvent la perception de l’espace public, par le petit ou le grand bout des oreillettes, pour le réécrire, le rêver aussi, en faire pourquoi pas une joyeuse utopie, et tout cela en groupe, avec la synergie d’écoutants impliqués, eux-même acteurs de leur propre territoire.
C’est une militance, une revendication à la belle écoute.
C’est une mise en garde de désordres chroniques en marche, de paupérisation annoncée, préantropocénique.
C’est une façon de refuser, politiquement, la prolifération magmatique de la rumeur, du chaos, de l’écoute et de la pensée unique.
Le monde appartient à celui qui l’écoute disait autrefois France Culture, la paysage sonore également.
Le Powerhack est pour moi un partage à portée d’oreilles qui, s’il ne changera pas radicalement le cours des choses, peut je l’espère l’adoucir.

4-Qu’est ce que le festival Electropixel représente pour vous? En quoi pensez vous qu’un festival de ce type est important pour le paysage artistique actuel? Comment voyez l’avenir pour ce genre d’espace de diffusion?

Le festival Electropixel est un rendez-vous de libres sonneurs. Un espace un brin déjanté, reflet miroir des bruits du monde, de ses soubressauts, de ses facéties, de ses errances. C’est aussi des rencontres, des expérimentations de terrain, dedans, dehors, de l’espace public ‡ tout bout de sons, de la fureur et du bruit, des douceurs sonores et des complicités, des frottements et des contrepoints, des parcours et des arrêts sur son, un brin de folie communicative dopée à l’énergie acoustique, de l’inattendu comme de l’in-entendu, un cocktail de sons brassés et de folles machines et dispositifs, des processus en marche, et plus encore si affinités.

5-Au delà de l’idée que l’art dépasse les genres et catégories, que pensez-vous des nouveaux champs de l’art numérique? Comment voyez vous ce genre art numérique ? Pour vous c’est quoi les différences entre
art numérique, art électronique, net art, création multimédia, art sonore, etc? Quelles conséquences ce genre de catégorisation amènent dans votre approche de l’art et de la création?

Il m’est toujours difficile de répondre à ce genre de questions. Art numérique, outil numérique, esthétique, dispositif, processus… ? Le cloisonnement entre arts visuels, numériques, sonores, culinaires… m’indispose et me gêne franchement aux entournures. Je m’y sens à l’étroit, tiraillé entre des dedans-dehors, en marge, ou dans d’inconfortables entre-deux. Bien sûr, il faut parfois nommer. Nommer, c’est faire exister dit-on dans des textes cosmogoniques. Mais nommer c’est aussi catégoriser, cloisonner, c’est donc étouffer un peu. Où s’arrête et où commencent les arts numériques, sonores ? L’art numérique peut-il être (aussi) art sonore, et vice et versa ? Je ne me soucie à vrai dire assez peu, ou de moins en moins, de ces genres et dénominations. C’est le terrain, le contexte qui parlent et décident le plus souvent (et parfois les moyens de faire. Untel lieu est-il plus propice, plus favorable à tel ou tel autre dispositif, électroacoustique ou mécanique, purement éolien ou traité via de puissants logiciels en temps réel…? Si je reviens parfois à la catégorisation, c’est pour savoir dans quelle ligne, dans quelle rubrique, dispositif, je vais faire entrer l’écriture de mon projet pour aller chercher des (trop rares) aides financières. Bon certes, j’exagère un brin, mais certainement dans le but d’affirmer ma méfiance, ma défiance, envers des boites trop fermées, compartimentées, étanches.
Sinon, je pense que le terme de transmédialité, apparu dans les années 80 autour d’écritures en recherche de nouveaux processus narratifs, est plus en adéquation avec l’arrivée de nouvelles technologies. Il me satisferait d’avantage, par l’ouverture qu’il laisse à une création construite sur une constante et féconde hybridation.
Dans mon travail, je pratique un fréquent « mélange des genres ». Sons, arts plastiques, architecture, design, numérique, analogique, électroacoustique, acoustique… tout ce qui peut servir à un projet est convoqué, selon le lieu et le moment. Je n’est bien sûr pas toutes les compétences, et même loin de là, pour maîtriser ces différents champs, pratiques et technologies. Et c’est bien là l’occasion idéale pour faire de nouvelles rencontres, constituer des équipes transdisciplinaires, rechercher des compares qui amèneront du sang neuf, et de l’eau au moulin.