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Lucas Seguy

Le Trèfle est une image tirée d’un rêve fait dans la nuit du 13 mai 2020. A la lisière d’une clairière, une sculpture monumentale est dressée sur un parterre de trèfles des prés. La sculpture encastrée dans un bloc de béton armé représente une triquetra en volume constituée de fers à béton soudés entre eux. La structure forme un tube noué sur lui-même. Elle sert de décor pour la performance de l’artiste franco-lituanien Kunkunsky. Sous le regard espiègle d’une bergeronnette et la curiosité d’une limace noire en bout de course, l’artiste commence nu à l’intérieure de la structure. De sa bouche sort un essaim de mouches jaunes qui se collent à sa peau sous la forme d’œufs. En un temps éclair les œufs éclosent en asticots qui dévorent tout Kunkunsky, puis s’envolent de nouveau comme mouches jaunes.  L’artiste réapparaît vomit par le tourbillon sur une autre boucle de la sculpture. Le ballet recommence encore et encore, s’accélérant jusqu’à la fin du rêve.

Lucas Seguy_Le Trèfle

Les vidéos de Lucas Seguy dépeignent des espaces virtuels au sein desquels les scénarios décrivent une perception singulière de la structure des relations interindividuelles d’une part, et de l’expérience corporelle d’autre part. L’artiste réalise des films d’animation en image de synthèse qui s’apparentent à des tableaux vivants opérant une fusion entre esthétique numérique et codes de la peinture classique. La simulation permise par la technologie digitale et l’autonomie de l’image par rapport à des modèles préexistants, côtoient l’illustration de récits mythologiques (Les Trois Grâces, 2017), des représentations allégoriques (Escalatorius, 2014), le travail de la lumière (Sous-bois, 2015), ou encore des compositions claires et ordonnées propres au langage pictural de la Renaissance et du Classicisme (Pygmalion, 2018). Les vidéos de Lucas Seguy sont exemplaires du phénomène d’hybridation par lequel l’art numérique infiltre, simule et altère les spécificités des pratiques artistiques qui le précèdent. Les situations souvent abstraites que donnent à voir ses vidéos ne relèvent pas d’une intention de représenter le monde, mais plutôt, elles le synthétisent faisant apparaître les lois et processus qui l’animent. Ne témoignant d’aucun souci d’imiter le réel, elles s’appréhendent néanmoins comme des démonstrations par l’absurde mettant à nu des trames de notre réalité. L’incongruité des oeuvres de l’artiste apparaît dès lors comme la schématisation d’une société au sein de laquelle les interactions sociales (Le Derby des Huits, 2016) et le rapport à soi, dans sa série de paysages lenticulaires (Et in Arcadia ego, 2017-2019), sont mus par des forces invisibles à l’oeuvre dans une conscience du monde extérieur. Tout en subvertissant les liens avec les référents qu’il convoque dans ses créations numériques, Lucas Seguy génère des espaces dynamiques qui permettent une expérience simultanément sensible et intelligible : l’image y est à la fois objet et langage.